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Passages extraits «Des Us et coutumes des pays de l'Atral », docte tome de la main du vicomte de Boisanger, commandité par son excellence la marquise  Arsinoé d'Olyssea en l'an sept du onzième cycle.



Avant tout un conseil au lecteur avisé : l'histoire du fondement du marquisat est vieille d'un millénaire, et il n'est pas toujours chose aisée de distinguer la vérité du mythe. Aussi avons-nous restreint notre enquête aux archives de Cantharel, de Diantra, et de l'Ordre de la Damedieu ; toutefois, la prudence reste de mise.

Les premières mentions de la noble famille de Sainte-Berthilde remontent au premier siècle du dixième cycle. Un clan implanté sur le flanc sud de l'Avosne et lié de sang à la famille royale, son fondateur aurait reprit le nom de la martyre et prophétesse Berthe, dont la mort effroyable à l'occasion de l'éclipse avait provoqué l'émoi de tout le domaine pentien. Icelle, la sœur du roy à en croire certains, aurait gagné ce nord pour répandre le message des dieux auprès des mécréants qui alors régnaient en maître au-delà  des montagnes. Habitée par Néera ou Tyra - les sources divergent sur ce point - elle aurait accompli d'innombrables miracles et bienfaits avant d’être cruellement abattue sur les rives du Lac par ceux qu'elle avait tenté de sauver, tenue responsable de la disparition de l'astre qu'ils vénéraient.

La vengeance des dieux se fit attendre près de trois siècles il est vrai, mais n'en fut pas moins terrible. L'élu qui fut leur instrument en cette sainte entreprise n'était autre que le marquis Enguerrand - surnommé le cerf jovial - appuyé du bel ost qu'il avait fédéré autour de sa personne : la fine fleur de la noblesse du médian alliée aux paladins des ordres de la Damedieu, du Royaume Éternel, et du Blanc Calice, ainsi que d'incalculables milliers d'humbles gens désireux de répandre la bonne parole. Si le triomphe sur les hordes sauvages ne se fit pas attendre, la gouvernance de cette sombre terre boisée occupa dès lors le restant des jours du nouveau marquis. De son siège édifié à la hâte, aujourd'hui connu sous le nom de Châteauvieux, il distribuait terres et faveurs à ses compagnons d'armes mais aussi à ses nouveaux sujets, au grand dam des envahisseurs les plus pieux et plus avides qui s'élancèrent à corps perdus dans la conquête de domaines plus reculés encore.

Du grand-bois qui jadis accaparait ce sol riche, il ne reste aujourd'hui que les drus forêts d'Hedda et d'Unvan, où roderaient encore quelques Malebestes des temps passés. À sa place, d'immenses étendues champêtres ; le doux climat de la terre, aux pluies fréquentes mais brèves, se révélant particulièrement propice à l'agriculture. Les plus communes de celles-ci restent le blé et l'orge, bien que les cultures de seigle, vesce, pois, avoine et houblon soient elles aussi fréquemment aperçues.  À arpenter cette douce terre, on pourrait presque croire qu'il n'existe de denrée qu'on ne puisse retrouver dans son terroir. On pourrait s'attarder sur ses fromages, confitures, doux vins mousseux, ses bovins à la chair savoureuse et son amour des volailles en tout genre. Sans oublier bien entendu la bière suave et maltée dont elle seule détient le secret. Ce n'est toutefois pas là que réside notre matière, aussi nous contenterons-nous de remarquer que cette manne aura fait le bonheur de plus d'un habile commerçant.

Mais si le bon peuple Berthildois a toujours su faire bonne chère, il n'en aura pas moins gagné au travers le royaume une réputation de pieuse austérité, à la paysannerie docile « taillable et serviable à merci », le marchand moral et le chevalier galant  dit-on (ou du moins, plus qu'ailleurs). Les guildes artisanes foisonnent, encouragées par le pouvoir suprême qui en tire quelques menus bénéfices, assurant un produit de la plus haute qualité. Et ce particulièrement dans les domaines de la ferronnerie, où si les grandes forges du nord arment les masses nombreuses, celles d'Eyroles et Cantharel attirent une clientèle autrement plus aisée.

Se targuant d’être une des plus antiques lignées du royaume, les de Sainte Berthilde doivent cette bonne fortune à une saisissante fertilité, si bien qu'onquemais ne vit-on pas un rejeton oublié reprendre le nom et le flambeau de ses aïeuls lorsque le tronc vint à faillir. Ce n'est qu'il y a deux siècles qu'elle s'installa dans la demeure que nous leur connaissons, à l'invitation du prévôt des marchands qui finança l'érection d'un donjon plus bel et magne que leur vieille ferté. Une  appétence naissante pour la luxure qui ne s’arrêta pas là, voyant l'acquisition d'un hôtel particulier d'un goût douteux qui servit longtemps de résidence première, jusqu'à être livrée aux flammes à l'aube de notre cycle. Un incident à la fois cocasse et instructif - nous ramenant à la fois à cette généalogie touffue et aux mœurs sévères des hères du pays - méritant d’être explicité. La maîtresse du céans n'était en effet autre que la dame Aliénor de Saint Aimé, dévergondée notoire doublée d'usurpatrice qui, alors même que son frère jumeaux payait bataillant le prix de sa félonie, fut menée à un bûcher improvisé par une horde de cagots et bélîtres encensés.

Cantharel est donc aujourd'hui le joyau de cette cuvette qu'est Sainte Berthilde, sans que l'on puisse affirmer que la chose fut exempte de réticences, la place n'étant autre que le chef lieu d'un des royaumes païens mit à bas par leur illustre ancêtre. Un fait aujourd'hui bien peu connu, comme si la ville s'était efforcée d'effacer les vestiges de ce passé honni par les temples qui font sa renommée. Le plus grand, le Temple de la Martyre, abrite derrière ses enceintes parsemées de vitraux les clergés des déesses de la vie et de la mort, sa coupole ocre dépassant allègrement l'unique muraille de la ville. On ne compte plus les occasions qui ont ici vu s'affronter ces ecclésiastiques aux universitaires, adeptes de la scolastique pentienne qui trouve son haut lieu en cette cité pieuse et innovante.

Mais celle-ci, à la croisée des routes Hautvaloise et Eraçonne, est avant tout un repaire de marchands, artisans, chandeliers, merciers, confituriers [...] en tous genres qui, avec une organisation exemplaire, forment un troisième pouvoir doté de nombreux privilèges garantis par une charte centenaire. Une particularité que l'on retrouve dans nombre des bourgs fortifiés et franc-fiefs du domaine qui répondent directement de l’autorité centrale, les plus cyniques y voyant le résulte d'une politique des marquis visant à affaiblir leurs féaux. La petite noblesse, pourtant nombreuse, ne jouit ainsi pas de la même indépendance que celle des pays de l'Avosne, œuvrant le plus souvent au service de tel ou tel grand seigneur sans pour autant posséder de terre, ou se contentant du maigre statut de hobereau ; bien que ce constat soit à nuancer suite aux événements accompagnant le tumultueux règne du roy Trystan.

L'extrémité occidentale du Berthildois abrite la charmante cité d'Eyrole. Jadis une des plus grande ville du nord, il ne reste aujourd'hui plus que ruines de ses faubourgs qui autrefois abritaient autant d’âmes que ses murailles de pierres ; un hommage troublant à la déchéance de l'empire nain de l'autre coté du monde (mais aussi à la peste noire qui, au crépuscule du règne d'Ultuant Fiiram, ravagea la basse ville). Car l'opulence du port, fondé il n'y a guère plus de deux siècles de cela, reposait avant tout sur l'or de ces boterels qui par dizaines se déversaient sur ses quais accueillants en quête de la bonne affaire ; leurs larges navires accostant les cales emplies de roches et ferreries, pour repartir bardées de toutes les richesses de la péninsule. Cette singulière histoire se fait sentir dans chacune des pierres de la cité, de l'étrange courbure de ses tourelles au nombre grotesque d'échoppes et brasseries que ses ruelles abritent, pour se muer en amer souvenir à la vue des quais délaissés. Car alors qu'Arétans et Soltarii profitaient de la tragédie pour allègrement piller la dépouille du royaume maudit, les échevins d'Eyroles laissaient filer la situation en l'absence de suzerain. Il ne fallut alors guère longtemps pour que les capitaines ne commencent à déserter la ville, qui aujourd'hui subsiste principalement du produits de ses forges réputées et de l'humble commerce avec les ports suderons.

Badefols, antique forteresse juchée sur l'ile d'Ys, aura profité de la triste conjoncture pour consolider son emprise sur les côtes de l'Eris, s'appropriant privilèges octroyés de longue date aux citadins en échange de coffres bien mal acquis de scintillantes pièces d'or frappées du faciès de la duchesse de Solaria. Si bien que de son îlot exigu rongé par les flots, le sieur de Brosse exerce désormais une influence certaine sur une terre de faste aux nombreuses bourgades et bastides, dont Eyroles et Anzème, qui n'a rien à envier aux anciens domaines féodaux l'entourant; des terres aux extrémités du marquisat ou bat encore son plein une conception peut être vétusté de la féodalité.

Un constat nul part plus avéré que dans les fraîches plaines de la Toranne, apanage des fiers de Saint-Aimé où pullulent les donjons isolés de chevaliers fieffés. La vie se fait plus rare dans cette terne terre qui n'est pas sans rappeler la Malelande, où les bourgs s'apparentent à des hameaux et où les serfs ne peuvent que rêver des récoltes de leurs confrères au sud. La noblesse morcelée et nombreuse règne ici sans partage, et doit constamment redoubler d'ingéniosité afin de se prévenir des jacqueries et désertions d'une paysannerie malmenée. De leur sévère castel du Tor, réputé imprenable, les de Saint-Aimé orchestrent de fréquentes joustes qui au fils des siècles auront gagné une modeste réputation au sein des pays de l'Atral.

Loin au sud, les contreforts de Monts-Corbeaux hébergent des peuplades ombrageuses qui, à l'image de leurs ancêtres païens, n'acceptent que difficilement l’autorité de Cantharel. Des cousins des gents d'Helderion et du Lyron, ils habitent les mêmes vallons boisés ou se perd la frontière entre marquisat et duché, frontière qui ne cesse de fluctuer au gré des affrontements et épousailles. Ces terres profitent grandement du commerce porté par les routes qui sillonnent la péninsule, les seigneurs guerriers de Kelbourg et Laraus y organisant de modestes foires qui leurs auront permis de financer l'érection de nombres de places fortes qui encore guettent les cols menant au sud. Une richesse donc fondée sur la tonlieu, mais aussi sur l'exploitation de la lugubre forêt d'Unvan qui autrefois s'étendait du lac jusqu'à l’océan, et qui a toujours subvenu aux ambitions maritimes du marquisat tout en permettant la culture des terres nouvellement défrichées. On décompte quelques menus carrières sis entre les bras des cousines , ne faisant qu'égratigner le trésor caché des tréfonds.

Mais si le cœur commercial du marquisat gît à l'ouest, son âme se situerait assurément quelque part entre le lac Balgure et Cantharel, doux pays qu'on dit ne jamais avoir connu la faim. Peut-être dans le lumineux bois de l'Esterel, où feu le marquis Anoxar se plaisait à chasser alors que son gendre tenait cour. Ou encore le Tertre, forteresse de roche claire surplombant la surface cristalline du lac et d’où l'Ordre de la Damedieu aura longtemps tenu tête aux marquis de l'Atral ; allant jusqu'à livrer la vieille ville de Cantharel aux flammes le siècle dernier, et plus récemment par son soutien mal-avisé  à l'imprudent Thiégault. On dit que la battisse millénaire, désormais bien trop vaste pour les quelques templiers y résidant encore, abrite dans ses boyaux la  mythique sépulture de la prophétesse qui donna son nom à la terre. Que le tumulus où Enguerrand alla pleurer la perfidie des roy païens au lendemain de sa victoire demeure intact ; un secret jalousement gardé qui aura attiré plus d'un chevalier errant dans les rangs de l'Ordre.  

Les possessions de ces templiers s'étendaient jadis loin à l'est, jusqu'à la vallée nichée entre l'Aumance et le lac que l'on surnomme le Val d'Aurès et qui compose aujourd'hui le domaine des d'Adhémar. Cette terre excentrée est néanmoins d'une importance cruciale car régulant l'accès au Ner et aux baronnies orientales si prompts à la rébellion, et fut donc un jour offerte à un compagnon routier d'un marquis depuis oublié.  Au delà des frontières du marquisat, son nom est toutefois surtout associé à ses vergers et riches teintures qui font le bonheur des tisserands langecins.

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